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LE TEMPLE DE GNIDE.

Il vint cinquante femmes de Milet. Rien n’approchoit de la blancheur de leur teint, et de la régularité de leurs traits : tout faisoit voir, ou promettoit un beau corps ; et les dieux, qui les formèrent, n’auroient rien fait de plus digne d’eux, s'ils n’avoient plus cherché à leur donner des perfections que des grâces[1].

Il vint cent femmes de l’île de Chypre. Nous avons, disoient-elles, passé notre jeunesse dans le temple de Vénus ; nous lui avons consacré notre virginité et notre pudeur même. Nous ne rougissons point de nos charmes : nos manières, quelquefois hardies et toujours libres, doivent nous donner de l’avantage sur une pudeur qui s’alarme sans cesse.

Je vis les filles de la superbe Lacédémone. Leur robe étoit ouverte par les côtés, depuis la ceinture, de la manière la plus immodeste : et cependant elles faisoient les prudes, et soutenoient qu’elles ne violoient la pudeur, que par amour pour la patrie.

Mer fameuse par tant de naufrages, vous savez conserver des dépôts précieux ! Vous vous calmâtes, lorsque le navire Argo porta la toison d’or sur votre plaine liquide ; et, lorsque cinquante beautés sont parties de Colchos, et se sont confiées à vous, vous vous êtes courbée sous elles.

Je vis aussi Oriane, semblable aux déesses. Toutes les beautés de Lydie entouroient leur reine. Elle avoit envoyé devant elle cent jeunes filles, qui avoient présenté à Vénus une offrande de deux cents talents. Candaule étoit

  1. Colardeau :


    Les dieux n’ont pas formé de plus noble assemblage,
    Sans doute elles seroient leur plus parfait ouvrage,
    S'ils leur avoient donné, plus distraits dans leurs soins,
    Quelques grâces de plus, quelques beautés de moins.