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ARSACE ET ISMÉNIE.

Les femmes de votre palais ne sont point entrées dans les intrigues de la cour ; elles ont cherché la modestie et l’oubli de tout ce qu’elles ne doivent point aimer.

Je crois que le ciel a voulu faire de moi un grand prince, puisqu’il m’a fait trouver, dans les écueils ordinaires des rois, des secours pour devenir vertueux.

Jamais les Bactriens ne virent des temps si heureux. Arsace et Isménie disaient qu’ils régnaient sur le meilleur peuple de l’univers ; les Bactriens disaient qu’ils vivaient sous les meilleurs de tous les princes.

Il disait qu’étant né sujet, il avait souhaité mille fois de vivre sous un bon prince, et que ses sujets faisaient sans doute les mêmes vœux que lui.

Il ajoutait qu’ayant le cœur d’Isménie, il devait lui offrir tous les cœurs de l’univers : il ne pouvait lui apporter un trône, mais des vertus capables de le remplir.

Il croyait que son amour devait passer à la postérité, et qu’il n’y passerait jamais mieux qu’avec sa gloire. Il voulait qu’on écrivît ces paroles sur son tombeau : Isménie a eu pour époux un roi chéri des mortels.

Il disait qu’il aimait Aspar, son premier ministre, parce qu’il parlait toujours des sujets, plus rarement du roi, et jamais de lui-même.

Il a, disait-il, trois grandes choses : l’esprit juste, le cœur sensible et l’âme sincère.

Arsace parlait souvent de l’innocence de son administration. Il disait qu’il conservait ses mains pures, parce que le premier crime qu’il commettrait déciderait de toute sa vie, et que là commencerait la chaîne d’une infinité d’autres.

Je punirais, disait-il, un homme sur des soupçons. Je croirais en rester là ; non : de nouveaux soupçons me