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GRANDEUR ET DÉCADENCE


empereurs occupée quelquefois à calmer, souvent à irriter des disputes théologiques, qu’on a toujours remarqué devenir frivoles à mesure qu’elles sont plus vives.

Michel Paléologue, dont le règne fut tant agité par des disputes sur la religion, voyant les affreux ravages des Turcs dans l’Asie, disait, en soupirant, que le zèle téméraire de certaines personnes, qui, en décriant sa conduite, avaient soulevé ses sujets contre lui, l’avait obligé d’appliquer tous ses soins à sa propre conservation et de négliger la ruine des provinces. « Je me suis contenté, disait-il, de pourvoir à ces parties éloignées par le ministère des gouverneurs, qui m’en ont dissimulé les besoins, soit qu’ils fussent gagnés par argent, soit qu’ils appréhendassent d’être punis[1]. »

Les patriarches de Constantinople avaient un pouvoir immense. Comme, dans les tumultes populaires, les Empereurs et les grands de l’État se retiraient dans les églises, que le Patriarche était maître de les livrer ou non et exerçait ce droit à sa fantaisie, il se trouvait toujours, quoique indirectement, arbitre de toutes les affaires publiques.

Lorsque le vieux Andronic[2] fit dire au patriarche qu’il se mêlât des affaires de l’Église et le laissât gouverner celles de l’Empire : « C’est, lui répondit le Patriarche, comme si le corps disait à l’âme : je ne prétends avoir rien de commun avec vous, et je n’ai que faire de votre secours pour exercer mes fonctions. »

De si monstrueuses prétentions étant insupportables

  1. Pachymère, liv. VI, ch. XXIX. On a employé la traduction de M. le président Cousin. (M.)
  2. Paléologue. Voyez l’Histoire des deux Andronic, écrite par Cantacuzène, liv. I, ch. L. (M.)