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GRANDEUR DES ROMAINS, CHAP. XVIII.


avait offert des présents moins considérables qu’à l’ordinaire, s’en indignèrent, et ces peuples du Nord, déjà gouvernés par le point d’honneur, se vengèrent de cette insulte prétendue par une cruelle guerre.

Toutes ces nations[1] qui entouraient l’Empire en Europe et en Asie absorbèrent peu à peu les richesses des Romains, et, comme ils s’étaient agrandis parce que l’or et l’argent de tous les rois était porté chez eux[2], ils s’affaiblirent parce que leur or et leur argent étoient portés[3] chez les autres.

Les fautes que font les hommes d’État ne sont pas toujours libres : souvent ce sont des suites nécessaires de la situation où l’on est, et les inconvénients ont fait naître les inconvénients.

La milice, comme on a déjà vu, était devenue très à charge à l’État. Les soldats avaient trois sortes d’avantages : la paye ordinaire, la récompense après le service, et les libéralités d’accident, qui devenaient très souvent des droits pour des gens qui avaient le peuple et le prince entre leurs mains.

L’impuissance où l’on se trouva de payer ces charges fit que l’on prit une milice moins chère. On fit des traités avec des nations barbares, qui n’avaient ni le luxe des

  1. Ammien Marcellin, liv. XXVI. (M.)
  2. « Vous voulez des richesses (disait un empereur à son armée qui murmurait) : voilà le pays des Perses, allons en chercher. Croyez-moi, de tant de trésors que possédait la république romaine, il ne reste plus rien ; et le mal vient de ceux qui ont appris aux princes à acheter la paix des barbares. Nos finances sont épuisées, nos villes détruites, nos provinces ruinées. Un empereur qui ne connaît d’autres biens que ceux de l’âme n’a pas honte d’avouer une pauvreté honnête. » (Ammien Marcellin, liv. XXIV.) (M.)
  3. A. fut porté, etc.