Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t2.djvu/267

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
DES ROMAINS, CHAP. XVI.


milice, furent presque tous étrangers et quelquefois barbares ; Rome ne fut plus la maîtresse du monde, mais elle reçut des lois de tout l’univers.

Chaque empereur y porta quelque chose de son pays, ou pour les manières, ou pour les mœurs, ou pour la police, ou pour le culte, et Héliogabale alla jusqu’à vouloir détruire tous les objets de la vénération de Rome et ôter tous les dieux de leurs temples, pour y placer le sien.

Ceci, indépendamment des voies secrètes que Dieu choisit[1], et que lui seul connaît, servit beaucoup à l’établissement de la religion chrétienne : car il n’y avait plus rien d’étranger dans l’Empire, et l’on y était préparé à recevoir toutes les coutumes qu’un empereur voudrait introduire.

On sait que les Romains reçurent dans leur ville les dieux des autres pays ; ils les reçurent en conquérants[2] : ils les faisaient porter dans les triomphes. Mais, lorsque les étrangers vinrent eux-mêmes les rétablir, on les réprima d’abord. On sait, de plus, que les Romains avaient coutume de donner aux divinités étrangères les noms de celles des leurs qui y avaient le plus de rapport[3] ; mais, lorsque les prêtres des autres pays voulurent faire adorer à Rome leurs divinités sous leurs propres noms, ils ne furent pas soufferts, et ce fut un des grands obstacles que trouva la religion chrétienne.

On pourrait appeler Caracalla[4], non pas un tyran, mais le destructeur des hommes : Caligula, Néron et Domi-

  1. A. Que Dieu employa.
  2. A : mais ils reçurent en conquérants, les faisant porter, etc.
  3. Voyez, par exemple, les commentaires de César, liv. VI, ch. XVII.
  4. A. On pourrait appeler Caracalla, qui succéda à Sévère, etc.