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DES ROMAINS, CHAP. XII.


ces choses comme le témoignage le plus fort qu’ils pussent donner de leur servitude ; les Romains même pouvaient, dans des laraires ou des temples particuliers, rendre des honneurs divins à leurs ancêtres. Mais je ne vois pas que, depuis Romulus jusqu’à César, aucun Romain ait été mis au nombre des divinités publiques[1].

Le gouvernement de la Macédoine était échu à Antoine ; il voulut, au lieu de celui-là, avoir celui des Gaules ; on voit bien par quel motif. Décimus Brutus, qui avait la Gaule Cisalpine, ayant refusé de la lui remettre, il voulut l’en chasser. Cela produisit une guerre civile, dans laquelle le Sénat déclara Antoine ennemi de la Patrie.

Cicéron, pour perdre Antoine, son ennemi particulier, avait pris le mauvais parti de travailler à l’élévation d’Octave, et, au lieu de chercher à faire oublier au peuple César, il le lui avait remis devant les yeux.

Octave se conduisit avec Cicéron en homme habile il le flatta, le loua, le consulta, et employa tous ces artifices dont la vanité ne se défie jamais.

Ce qui gâte presque toutes les affaires, c’est qu’ordinairement ceux qui les entreprennent, outre la réussite principale, cherchent encore de certains petits succès particuliers, qui flattent leur amour-propre et les rendent contents d’eux.

Je crois que, si Caton s’était réservé pour la République, il aurait donné aux choses tout un autre tour. Cicéron, avec des parties admirables pour un second rôle, était incapable du premier : il avait un beau génie, mais une âme souvent commune, L’accessoire chez Cicéron, c’était

  1. Dion dit que les triumvirs, qui espéraient tous d’avoir quelque jour la place de César, firent tout ce qu’ils purent pour augmenter les honneurs qu’on lui rendait : liv. XLVII, (M.)