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GRANDEUR ET DÉCADENCE

Il semble qu’une chose avait mis César en état de tout entreprendre ; c’est que, par une malheureuse conformité de noms, on avait joint à son gouvernement de la Gaule Cisalpine celui de la Gaule d’au-delà les Alpes.

La politique n’avait point permis qu’il y eût des armées auprès de Rome ; mais elle n’avait pas souffert non plus que l’Italie fût entièrement dégarnie de troupes. Cela fit qu’on tint des forces considérables dans la Gaule Cisalpine, c’est-à-dire dans le pays qui est depuis le Rubicon, petit fleuve de la Romagne, jusqu’aux Alpes. Mais, pour assurer la ville de Rome contre ces troupes, on fit le célèbre sénatus-consulte que l’on voit encore gravé sur le chemin de Rimini à Césène, par lequel on dévouait aux dieux infernaux, et l’on déclarait sacrilège et parricide quiconque, avec une légion, avec une armée ou avec une cohorte, passerait le Rubicon[1].

À un gouvernement si important, qui tenait la ville en échec, on en joignit un autre plus considérable encore : c’était celui de la Gaule Transalpine, qui comprenait les pays du Midi de la France ; qui, ayant donné à César l’occasion de faire la guerre, pendant plusieurs années, à tous les peuples qu’il voulut, fit que ses soldats vieillirent avec

    gens capricieux se précipitent plutôt dans l’infortune que d’avouer leur tort. Combien de Pompée ne voit-on pas de nos jours ne soutenir une opinion que parce qu’ils l’ont avancée auparavant. (Frédéric II.)

  1. Ce sénatus-consulte est une invention de quelque faussaire. Il suffit de le lire pour juger qu’il est apocryphe. Le voici : Jussu mandatu que P. B. cos. imp. mili. tyro comilito manipularis ve cent. turmœve legionariæ armat. quisquis es hic sistito vexilum sinito, nec citra hunc amnem Rubiconem, signa, arma, ductum, comeatum, exercitum traductio. Si quis hujusce jussionis ergo adversus ierit, ferceritve, adjuticatus est hostia P. R. ac si contra patriam arma tulerit, sacros que penates e pentrabilus asportaverit. Sancito plebisci. senatus ve consulti ultra hos fines arma proferre liceat nemini. — S. P. Q. R.