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PRÉFACE DE L'ÉDITEUR.


L’œuvre est coulée en bronze ; on peut toucher à la ciselure, mais non à la statue.

Quant aux notes qui accompagnent les Lettres, elles ont un objet nettement défini. Depuis un siècle et demi que le livre a paru, combien d’allusions ne sont-elles pas oubliées, combien d’expressions n’ont-elles pas vieilli ! Ce passé qui s’efface, nous avons cherché à le ranimer ; à ce vieux portrait de famille, nous avons essayé de rendre sa fraîcheur première ; nous n’avons rien négligé pour mettre le lecteur de 1875 dans la situation d’esprit où se trouvait le lecteur de 1721. C’est de cette façon qu’on peut annoter utilement un auteur.

Il n’est pas malaisé de juger un écrivain, quand on le lit à un siècle et demi de distance. Profiter des vérités qu’il a répandues pour condamner les erreurs qui lui ont échappé, c’est un succès facile, qui ne nous a point tenté. A monter sur les épaules d’un géant, un enfant voit plus loin que lui. Nous avons cru nécessaire de signaler quelques fausses doctrines qui appartiennent au XVIIIe siècle autant qu’à Montesquieu, mais pour le reste, nous nous sommes faits les serviteurs de ce beau génie, afin d’en mieux comprendre la grandeur. Cette longue familiarité nous a apporté plaisir et profit. Nous pensons qu’elle fournira de nouvelles raisons d’admirer et d’aimer Montesquieu.

Nous avons conservé la table, faite avec grand soin par les premiers éditeurs ; cette table renferme des explications curieuses ; c’est elle qui nous apprend, par exemple, que Montesquieu s’est peint lui-même dans la personne d’Usbek. [1] Nous avons également mis à profit les notes des éditeurs qui nous ont précédé, en ayant soin de joindre leur nom aux quelques citations que nous leur empruntons. En un mot, nous avons fait tous nos efforts pour que cette édition soit digne de Montesquieu et ne déplaise point au lecteur.

Novembre 1874.
  1. Lettre 48.