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LETTRES PERSANES.




LETTRE CLI.


SOLIM A USBEK.


A PARIS.



Si je gardais plus longtemps le silence, je serais aussi coupable que tous ces criminels que tu as dans le sérail.

J’étais le confident du grand eunuque, le plus fidèle de tes esclaves. Lorsqu’il se vit près de sa fin, il me fit appeler, et me dit ces paroles : Je me meurs ; mais le seul chagrin que j’aie en quittant la vie, c’est que mes derniers regards ont trouvé [1] les femmes de mon maître criminelles. Le ciel puisse le garantir de tous les malheurs que je prévois ! Puisse, après ma mort, mon ombre menaçante venir avertir ces perfides de leur devoir, et les intimider encore ! Voilà les clefs de ces redoutables lieux ; va les porter au plus vieux des noirs. Mais si, après ma mort, il manque de vigilance, songe à en avertir ton maître. En achevant ces mots, il expira dans mes bras.

Je sais qu’il t’écrivit, quelque temps avant sa mort, sur la conduite de tes femmes : il y a, dans le sérail, une lettre qui aurait porté la terreur avec elle, si elle avait été ouverte. Celle que tu as écrite depuis a été surprise à trois

  1. A. C. Ayant trouvé.