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DE M. DE MONTESQUIEU.


acquisition, et M. de Montesquieu reçut cette distinction avec la plus vive sensibilité ; pour moi je tâchais encore de m’acquitter d’une obligation. Je lui devais l’honneur que l’Académie françaisc m’avait fait de m’admettre. Sans l’illusion que son amitié pour moi lui avait causée, et sans celle qu’elle m’avait causée à moi-même, je ne me fusse jamais présenté pour entrer dans une compagnie dont ma médiocrité et le genre de mes études me tenaient également éloigné. Quelle différence donc se trouvait ici ! M. de Montesquieu m’avait fait obtenir une véritable grâce ; je ne pouvais lui procurer qu’une justice qui lui était due.

Il regarda cependant son association à notre académie comme une faveur, et comme une faveur des plus précieuses, par l’admiration qu’il avait pour le monarque qui la protège et qui l’anime. Voici comme il m’exprimait ses sentiments : une lettre de M. de Montesquieu, fût-elle la plus familière et la plus négligée, est une pièce qu’on sera toujours bien aise de trouver partout :

« Monsieur, mon très-cher et très-illustre confrère,

« Vous aurez reçu une lettre de moi datée de Paris. J’en reçus une de vous datée de Potsdam ; comme vous l’aviez adressée à Bordeaux, elle a resté plus d’un mois en chemin, ce qui m’a privé très-longtemps du véritable plaisir que je ressens toujours lorsque je reçois des marques de votre souvenir ; je ne me console point de ne vous avoir point trouvé ici, et mon cœur et mon esprit vous y cherchent toujours. Je ne saurais vous dire avec quel respect, avec quels sentiments de reconnaissance, et, si j’ose le dire, avec quelle joie j’apprends par votre lettre la nouvelle que l’Académie m’a fait l’honneur de me nommer un de ses membres ; il n’y a que votre amitié qui ait pu lui persuader que je pouvais aspirer à cette place. Cela va me donner de l’émulation pour valoir mieux que je ne vaux ; et il y a longtemps que vous auriez vu mon ambition, si je n’avais craint de tourmenter votre amitié en la faisant paraitre. Il faut à présent que