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LETTRE CXXV.




LETTRE CXXV.


RICA A ***.



On est bien embarrassé dans toutes les religions quand il s’agit de donner une idée des plaisirs qui sont destinés à ceux qui ont bien vécu. On épouvante facilement les méchants par une longue suite de peines, dont on les menace ; mais, pour les gens vertueux, on ne sait que leur promettre. Il semble que la nature des plaisirs soit d’être d’une courte durée ; l’imagination a peine à en représenter d’autres.

J’ai vu des descriptions du paradis, capables d’y faire renoncer tous les gens de bon sens : les uns font jouer sans cesse de la flûte ces ombres heureuses ; d’autres les condamnent au supplice de se promener éternellement ; d’autres enfin, qui les font rêver là-haut aux maîtresses d’ici-bas, n’ont pas cru que cent millions d’années fussent un terme assez long pour leur ôter le goût de ces inquiétudes amoureuses.

Je me souviens, à ce propos, d’une histoire que j’ai ouï raconter à un homme qui avait été dans le pays du Mogol ; elle fait voir que les prêtres indiens ne sont pas moins stériles que les autres, dans les idées qu’ils ont des plaisirs du paradis.

Une femme, qui venait de perdre son mari, vint en