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LETTRES PERSANES.




LETTRE CXVII.


USBEK AU MÊME.


La prohibition du divorce n’est pas la seule cause de la dépopulation des pays chrétiens : le grand nombre d’eunuques qu’ils ont parmi eux n’en est pas une moins considérable.

Je parle des prêtres et des dervis de l’un et de l’autre sexe qui se vouent à une continence éternelle : c’est, chez les chrétiens, la vertu par excellence ; en quoi je ne les comprends pas, ne sachant ce que c’est qu’une vertu dont il ne résulte rien. [1]

Je trouve que leurs docteurs se contredisent manifestement quand ils disent que le mariage est saint, et que le célibat, qui lui est opposé, l’est encore davantage ; sans compter qu’en fait de préceptes et de dogmes fondamentaux, le bien est toujours le mieux.

Le nombre de ces gens faisant profession de célibat est prodigieux. Les pères y condamnaient autrefois les enfants dès le berceau ; aujourd’hui, ils [2] s’y vouent eux-mêmes dès l’âge de quatorze ans, ce qui revient à peu près à la même chose.

Ce métier de continence a anéanti plus d’hommes que

  1. Esprit des lois, XIV, 7.
  2. C’est-à-dire les enfants.