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LETTRE CXII.




LETTRE CXII.


RHÉDI A USBEK.


A PARIS.


Pendant le séjour que je fais en Europe, je lis les historiens anciens et modernes : je compare tous les temps ; j’ai du plaisir à les voir passer, pour ainsi dire, devant moi ; et j’arrête surtout mon esprit à ces grands changements qui ont rendu les âges si différents des âges, et la terre si peu semblable à elle-même.

Tu n’as peut-être pas fait attention à une chose qui cause tous les jours ma surprise. Comment le monde est-il si peu peuplé, en comparaison de ce qu’il était autrefois ? [1] Comment la nature a-t-elle pu perdre cette prodigieuse fécondité des premiers temps ? Serait-elle déjà dans sa vieillesse ? et tomberait-elle de langueur ?

J’ai resté plus d’un an en Italie, où je n’ai vu que les débris de cette ancienne Italie, si fameuse autrefois. Quoique tout le monde habite les villes, elles sont entièrement désertes et dépeuplées : il semble qu’elles ne subsistent

  1. Que certains pays soient moins peuplés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans l’antiquité, cela s’explique par plus d’une cause ; mais que le monde soit moins peuplé qu’autrefois, c’est une allégation qui ne repose sur aucune preuve. Il faudrait établir le fait avant d’en chercher les raisons.