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LETTRE CVIII.


jamais nouvelle. Il me semble que, jusqu’à ce qu’un homme ait lu tous les livres anciens, il n’a aucune raison de leur préférer les nouveaux.

Mais, lorsqu’ils s’imposent la loi de ne parler que des ouvrages encore tout chauds de la forge, ils s’en imposent une autre, qui est d’être très-ennuyeux. Ils n’ont garde de critiquer les livres dont ils font les extraits, quelque raison qu’ils en aient : et, en effet, quel est l’homme assez hardi pour vouloir se faire dix ou douze ennemis tous les mois ?

La plupart des auteurs ressemblent aux poètes, qui souffriront une volée de coups de bâton sans se plaindre ; mais qui, peu jaloux de leurs épaules, le sont si fort de leurs ouvrages, qu’ils ne sauraient soutenir la moindre critique. Il faut donc bien se donner de garde de les attaquer par un endroit si sensible ; et les journalistes le savent bien. Ils font donc tout le contraire : ils commencent par louer la matière qui est traitée ; première fadeur ; de là ils passent aux louanges de l’auteur, louanges forcées, car ils ont affaire à des gens qui sont encore en haleine, tout prêts à se faire faire raison, et à foudroyer, à coups de plume, un téméraire journaliste.

De Paris, le 5 de la lune de zilcadé, 1718.