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LETTRE CVII.




LETTRE CVII.


RICA A IBBEN.


A SMYRNE.



J’ai vu le jeune monarque. [1] Sa vie est bien précieuse à ses sujets : elle ne l’est pas moins à toute l’Europe, par les grands troubles que sa mort pourrait produire. Mais les rois sont comme les dieux ; et, pendant qu’ils vivent, on doit les croire immortels. Sa physionomie est majestueuse, mais charmante ; une belle éducation semble concourir avec un heureux naturel, [2] et promet déjà un grand prince.

On dit que l’on ne peut jamais connaître le caractère des rois d’Occident, jusqu’à ce qu’ils aient passé par les deux grandes épreuves, de leur maîtresse, et de leur confesseur. On verra bientôt l’un et l’autre travailler à se saisir de l’esprit de celui-ci : et il se livrera, pour cela, de grands combats. Car, sous un jeune prince, ces deux puissances sont toujours rivales ; mais elles se concilient et se réunissent sous un vieux. Sous un jeune prince, le dervis a un rôle bien difficile à soutenir ; la force du roi fait sa

  1. Louis XV, né le 13 février 1710.
  2. Mémoires de Mathieu Marais, t. I, p. 104 et suiv.