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DE M. DE MONTESQUIEU.


plus constant et le plus durable, et de le mettre également à l’abri de la crainte de se voir entamer et de la tentation de s’agrandir.

Le problème que le législateur a donc à résoudre est celui-ci : Une multitude d’hommes étant rassemblée, lui procurer la plus grande somme de bonheur qu’il soit possible. C’est sur ce principe que doivent être fondés tous les systèmes de législation.

Dieu ayant donné les premières lois aux hommes, ces lois sans doute étaient celles qui devaient répandre dans la société la plus grande somme de bonheur, et malgré tous les changements arrivés dans l’état du monde, ces lois sont encore nécessaires pour le procurer, et se retrouvent dans toutes les législations raisonnables. Mais ce petit nombre de lois, faites pour un peuple simple qui venait de sortir de la main de Dieu, ne suffiraient plus pour des hommes qui se sont aujourd’hui tant écartés de ce premier état. Les vices multipliés, les sociétés différemment formées, ont rendu nécessaires des lois nouvelles, et il s’est trouvé dans chaque nation des hommes assez supérieurs aux autres pour entreprendre de leur prescrire ces lois, quoique si l’on examine celles que les législateurs les plus célèbres ont proposées, on les trouve souvent bien défectueuses.

Toutes les formes de gouvernement se réduisent d’abord à deux principales : à la monarchie qui est le gouvernement d’un seul, et à la république qui est le gouvernement de plusieurs. Mais chacune de ces premières divisions reçoit tant de modifications, qu’on peut dire qu’il y a autant de différentes formes de gouvernement qu’il y a de gouvernements ; on y trouve tous les degrés possibles, depuis le despotisme absolu jusqu’à la démocratie parfaite. Pour chaque État, cependant, il y aura toujours deux sortes de lois. Les unes regardent le gouvernement même considéré comme individu, et sont ce qu’on appelle le droit politique ; les autres regardent les citoyens, assurent leur état, règlent leurs devoirs et forment le droit