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LETTRES PERSANES.




LETTRE LXXXV.


USBEK A MIRZA.[1]


A ISPAHAN.


Tu sais, Mirza, que quelques ministres de Cha-Soliman avaient formé le dessein d’obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume, ou de se faire mahométans, dans la pensée que notre empire serait toujours pollué, tandis qu’il garderait dans son sein ces infidèles.

C’était fait de la grandeur persane, si, dans cette occasion, l’aveugle dévotion avait été écoutée.

On ne sait comment la chose manqua. Ni ceux qui firent la proposition, ni ceux qui la rejetèrent, n’en connurent les conséquences : le hasard fit l’office de la raison et de la politique, et sauva l’empire d’un péril plus grand que celui qu’il aurait pu courir de la perte d’une bataille, [2]et de la prise de deux villes.

En proscrivant les Arméniens, on pensa détruire, en un seul jour, tous les négociants et presque tous les artisans

  1. Toute cette lettre, d’une généreuse hardiesse, est une protestation contre la révocation de l’Édit de Nantes.
  2. A. C. De la perte de trois batailles.