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LETTRE LXXXII.




LETTRE LXXXIII.


USBEK A RHÉDI.


A VENISE.


S’il y a un Dieu, mon cher Rhédi, il faut nécessairement qu’il soit juste : car, s’il ne l’était pas, il serait le plus mauvais et le plus imparfait de tous les êtres.

La justice est un rapport de convenance, qui se trouve réellement entre deux choses : ce rapport est toujours le même, quelque être qui le considère, soit que ce soit Dieu, soit que ce soit un ange, ou enfin que ce soit un homme. [1] Il est vrai que les hommes ne voient pas toujours ces rapports : souvent même, lorsqu’ils les voient, ils s’en éloignent ; et leur intérêt est toujours ce qu’ils voient le mieux. La justice élève sa voix ; mais elle a peine à se faire entendre dans le tumulte des passions.

Les hommes peuvent faire des injustices, parce qu’ils ont intérêt de les commettre, et qu’ils préfèrent leur propre satisfaction à celle des autres. [2] C’est toujours par un retour sur eux-mêmes qu’ils agissent : nul n’est mauvais

  1. Esprit des lois, I, I.
  2. A. C. Et qu’ils aiment mieux se satisfaire que les autres.