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LETTRES PERSANES.




LETTRE LXXX.


USBEK A RHÉDI.[1]


A VENISE.


Depuis que je suis en Europe, mon cher Rhédi, j’ai vu bien des gouvernements. Ce n’est pas comme en Asie, où les règles de la politique se trouvent partout les mêmes.

J’ai souvent recherché quel était le gouvernement le plus conforme à la raison. [2] Il m’a semblé que le plus parfait est celui qui va à son but à moins de frais ; de sorte que [3] celui qui conduit les hommes de la manière qui convient le plus à leur penchant et à leur inclination, est le plus parfait.

Si, dans un gouvernement doux, le peuple est aussi soumis que dans un gouvernement sévère, le premier est préférable, puisqu’il est plus conforme à la raison, et que la sévérité est un motif étranger.

  1. Cette lettre, dans laquelle l’auteur de l’Esprit des lois se révèle tout entier, a inspiré à Beccaria la pensée mère de son Traité des délits et des peines, publié à Milan, en 1764. V. notamment le chapitre XV, et la lettre de Beccaria à Morellet : Da solo cinque anni, écrit-il, en 1770, data la mia conversione a la filosofia ; e ne vado debitore, alla lettura delle Lettere Persiane. Beccaria e il diritto penale, saggio di C. Cantù. Florence, 1862, p. 68. Comp. Esprit des lois, VI, IX et XII.
  2. A. C. J'ai souvent pensé en moi-même pour savoir quel, de tous les gouvernements, étoit le plus conforme à la raison.
  3. A. C. Et qu'ainsi celui qui conduit, etc.