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LETTRE LXXIV.





LETTRE LXXIV.

USBEK A RICA.[1]


A ***.


Il y a quelques jours qu’un homme de ma connaissance me dit : Je vous ai promis de vous produire dans les bonnes maisons de Paris ; je vous mène à présent chez un grand seigneur, qui est un des hommes du royaume qui représente le mieux.

Que veut dire cela, [2] monsieur ? Est-ce qu’il est plus poli, plus affable que les autres ? [3] Non, me dit-il. Ah ! j’entends : il fait sentir, à tous les instants, la supériorité qu’il a sur tous ceux qui l’approchent. Si cela est, je n’ai que faire d’y aller ; je la lui passe tout entière, et je prends condamnation. [4]

Il fallut pourtant marcher ; et je vis un petit homme si fier, il prit une prise de tabac avec tant de hauteur, il se moucha si impitoyablement, il cracha avec tant de flegme, il caressa ses chiens d’une manière si offensante

  1. A. C. RICA à USBEK.
  2. A. C. Que cela veut-il dire, monsieur ?
  3. A. C. Plus affable qu’un autre ? Ce n’est pas cela, me dit-il.
  4. A. C. Je n’ai que faire d’y aller ; je prends déjà condamnation, et je la lui passe tout entière.