de raison.
[1] Ce n’est pas que je les regrette : nous autres juges, ne nous enflons point d’une vaine science. Qu’avons nous affaire de tous ces volumes de lois ? Presque tous les cas sont hypothétiques,
[2] et sortent de la règle générale. Mais ne serait-ce pas, monsieur, lui dis-je, parce que vous les en faites sortir ? Car enfin, pourquoi, chez tous les peuples du monde, y aurait-il des lois, si elles n’avaient pas leur application ? Et comment peut-on les appliquer, si on ne les sait pas ? Si vous connaissiez le palais, reprit le magistrat, vous ne parleriez pas comme vous faites : nous avons des livres vivants, qui sont les avocats : ils travaillent pour nous et se chargent de nous instruire. Et ne se chargent-ils pas aussi quelquefois de vous tromper ? lui repartis-je. Vous ne feriez donc pas mal de vous garantir de leurs embûches. Ils ont des armes avec lesquelles ils attaquent votre équité ; il serait bon que vous en eussiez aussi pour la défendre ; et que vous n’allassiez pas vous mettre dans la mêlée, habillés à la légère, parmi des gens cuirassés jusqu’aux dents.
De Paris, le 13 de la lune de chahban, 1714.