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LETTRE LXVIII.




LETTRE LXVIII.

RICA A USBEK.


A ***.



J’allai l’autre jour dîner chez un homme de robe, qui m’en avait prié plusieurs fois. Après avoir parlé de bien des choses, je lui dis : Monsieur, il me paraît que votre métier est bien pénible. Pas tant que vous vous l’imaginez, [1] répondit-il : de la manière dont nous le faisons, ce n’est qu’un amusement. Mais quoi ! [2] n’avez-vous pas toujours la tête remplie des affaires d’autrui ? n’êtes-vous pas toujours occupés de choses qui ne sont point intéressantes ? Vous avez raison, ces choses ne sont point intéressantes, car nous nous y intéressons si peu que rien ; et cela même fait que le métier n’est pas si fatigant que vous dites. Quand je vis qu’il prenait la chose d’une manière si dégagée, je continuai, et lui dis : Monsieur, je n’ai point vu votre cabinet. Je le crois ; car je n’en ai point. Quand je pris cette charge, j’eus besoin d’argent pour la payer ; [3] je vendis ma bibliothèque ; et le libraire qui la prit, d’un nombre prodigieux de volumes, ne me laissa que mon livre

  1. A. C. Que vous vous imaginez.
  2. A. C. Mais comment ?
  3. A. C. Pour payer mes provisions.