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LETTRE LXVII.


qu’ils soient. Qu’attendez-vous d’une religion qui vous rend malheureuse dans ce monde-ci, et ne vous laisse point d’espérance pour l’autre ? Songez que la nôtre est la plus ancienne qui soit au monde ; qu’elle a toujours fleuri dans la Perse, et n’a pas d’autre origine que cet empire, dont les commencements ne sont point connus ; que ce n’est que le hasard qui y a introduit le mahométisme ; que cette secte y a été établie, non par la voie de la persuasion, mais de la conquête. Si nos princes naturels n’avaient pas été faibles, vous verriez régner encore le culte de ces anciens mages. Transportez-vous dans ces siècles reculés : tout vous parlera du magisme, et rien de la secte mahométane, qui, plusieurs milliers d’années après, n’était pas même dans son enfance. Mais, dit-elle, quand ma religion serait plus moderne que la vôtre, elle est au moins plus pure, puisqu’elle n’adore que Dieu ; au lieu que vous adorez encore le soleil, les étoiles, le feu et même les éléments. Je vois, ma sœur, que vous avez appris, parmi les musulmans, à calomnier notre sainte religion. Nous n’adorons ni les astres, ni les éléments ; et nos pères ne les ont jamais adorés : jamais ils ne leur ont élevé des temples ; jamais ils ne leur ont offert des sacrifices : ils leur ont seulement rendu un culte religieux, mais inférieur, comme à des ouvrages et des manifestations de la divinité. Mais, ma sœur, au nom de Dieu qui nous éclaire, recevez ce livre sacré que je vous porte ; c’est le livre de notre législateur Zoroastre : lisez-le sans prévention : recevez dans votre cœur les rayons de lumière, qui vous éclaireront en le lisant : souvenez-vous de vos pères qui ont si longtemps honoré le soleil dans la ville sainte de Balk ; [1] et

  1. C’est l’ancienne ville de Bactres.