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LETTRE LIII.




LETTRE LIII.

ZÉLIS A USBEK.


A PARIS.



Jamais passion n’a été plus forte et plus vive que celle de Cosrou, eunuque blanc, pour mon esclave Zélide ; il la demande en mariage avec tant de fureur, que je ne puis la lui refuser. Et pourquoi ferais-je de la résistance, lorsque sa mère [1] n’en fait pas, et que Zélide elle-même paraît satisfaite de l’idée de ce mariage imposteur, et de l’ombre vaine qu’on lui présente ?

Que veut-elle faire de cet infortuné, qui n’aura d’un mari que la jalousie ; qui ne sortira de sa froideur que pour entrer dans un désespoir inutile ; qui se rappellera toujours la mémoire de ce qu’il a été, pour la faire souvenir de ce qu’il n’est plus ; qui, toujours prêt à se donner, et ne se donnant jamais, se trompera, la trompera sans cesse, et lui fera essuyer à chaque instant tous les malheurs de sa condition ?

Et quoi ! être toujours dans les images et dans les fantômes ? ne vivre que pour imaginer ? se trouver toujours auprès des plaisirs, et jamais dans les plaisirs ? langui-

  1. La mère de Zélide.