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LETTRES PERSANES.




LETTRE XXXV.

USBEK A GEMCHID, SON COUSIN

DERVIS DU BRILLANT MONASTÈRE

DE TAURIS.

Que penses-tu des chrétiens, sublime dervis ? Crois-tu qu’au jour du jugement ils seront, comme les infidèles Turcs, qui serviront d’ânes aux Juifs, et les mèneront au grand trot en enfer ? [1] Je sais bien qu’ils n’iront point dans le séjour des prophètes, et que le grand Hali n’est point venu pour eux. Mais, parce qu’ils n’ont pas été assez heureux pour trouver des mosquées dans leur pays, crois-tu qu’ils soient condamnés à des châtiments éternels ; et que Dieu les punisse pour n’avoir pas pratiqué une religion qu’il ne leur a pas fait connaître ? Je puis te le dire : j’ai souvent examiné ces chrétiens ; je les ai interrogés, pour voir s’ils avaient quelque idée du grand Hali, qui était le plus beau de tous les hommes : [2] j’ai trouvé qu’ils n’en avaient jamais ouï parler.

Ils ne ressemblent point à ces infidèles que nos saints

  1. 1. A. C. Et seront menés par eux au grand trot en enfer.
  2. Expression d’un psaume appliquée au Messie.