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LETTRE XVII.




LETTRE XVII.


USBEK AU MÊME.


Je ne puis, divin mollak, calmer mon impatience : je ne saurais attendre ta sublime réponse. J’ai des doutes, il faut les fixer : je sens que ma raison s’égare ; ramène-la dans le droit chemin. Viens m’éclairer, source de lumière ; foudroie, avec ta plume divine, les difficultés que je vais te proposer ; fais-moi pitié de moi-même, et rougir de la question que je vais te faire.

D’où vient que notre législateur nous prive de la chair de pourceau, et de toutes les viandes qu’il appelle immondes ? [1] D’où vient qu’il nous défend de toucher un corps mort, et que, pour purifier notre âme, il nous ordonne de nous laver sans cesse le corps ? Il me semble que les choses ne sont en elles-mêmes ni pures, ni impures : je ne puis concevoir aucune qualité inhérente au sujet, qui puisse les rendre telles. La boue ne nous paraît sale que parce qu’elle blesse notre vue, ou quelque autre de nos sens : mais, en elle-même, elle ne l’est pas plus que l’or et les diamants. L’idée de souillure, contractée par l’attouchement d’un cadavre, ne nous est venue que d’une certaine répugnance naturelle que nous

  1. Esprit des lois, XXIV, 25.