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LA VIE CIVILE

étroite, une sorte de boyau où les tables ne pouvaient être rangées que d’un côté. Quand il y avait trente personnes, dans la première salle ou dans la seconde, il ne fallait pas songer à en introduire davantage. Elles étaient déjà obligées de se tenir de trois quarts pour manger. La boutique n’était pas élevée de plafond et comme la cuisine se faisait à l’entrée et que la plupart des clients fumaient comme de vieux grenadiers, elle était constamment remplie de nuages.

Il était connu à l’école que l’on pouvait faire des études de « ciels » chez la mère Georges.

Les artistes s’habituaient à cette atmosphère opaque et à l’odeur des mets que l’on cuisait et que l’on mangeait. En entrant chez la mère Georges, ils avaient même l’habitude de soulever le couvercle des casseroles et de flairer les ragoûts.

La mère Georges les trouvait quelquefois indiscrets et s’amusait à leur pendre un torchon dans le dos.

Quand celui qui gagnait ce torchon à humer la vapeur des fourneaux arrivait devant ses camarades, on battait un ban en l’honneur de la distinction dont il était l’objet et on l’obligeait à payer une bouteille de vin.

Mis en gaieté par cet incident, un rapin quelconque ne manquait pas de remarquer que le torchon donnait, en le gratifiant d’une queue, des airs d’oiseau à celui qui le portait.

— On a l’air d’un mitron qui a gâté sa sauce, disait l’un.

— Il ne faut pas médire des mitrons, s’écriait un autre, car Craesbeke, l’élève de Brouwer, fut mitron et fit de la bonne peinture comme il avait fait de bonne pâte.