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HISTOIRE DU CÉLÈBRE PÉPÉ

En revoyant le cirque, l’arène, les trapèzes, il fut pris de l’envie de se lancer dans le vide, de paraître encore une fois devant le public revêtu de son beau costume de soie et d’or, qu’on avait renouvelé pour la troisième fois, il y avait un an.

— Prends garde, lui dit Alcindor. Je n’aime pas te voir recommencer cet exercice, car tu t’es sûrement rouillé au régiment.

— Regardez, répondit Pépé.

Et quand il s’élança, il franchit la distance qui le séparait d’un trapèze à l’autre en tournant sur lui-même.

La foule se leva pour l’applaudir et le rappela cinq fois de suite.

— Tu es un imprudent ! s’écria Alcindor.

Et ce fut fini. Jamais plus le brave Pépé ne reprit son maillot et ne se relança sur les trapèzes ; quelquefois, il regretta le public qui le connaissait, qui l’aimait, qui l’acclamait ; quelquefois il poussa un gros soupir en songeant combien il était beau dans son costume ; mais toujours il fit le geste d’un homme qui s’en tient à sa résolution, qui a une volonté et qui a droit à une autre vie.

Il se livra tout entier à la peinture, et son existence devint celle d’un élève des Beaux-Arts, celle d’un étudiant.

Il logea rue Jacob, et mangea chez la mère Georges en compagnie d’une douzaine d’élèves de l’école.

La mère Georges était une grosse femme bien connue des jeunes artistes dont elle était la mère nourricière. Elle tenait dans la rue de Seine un petit établissement dans une boutique