Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Mais c’est faux ! C’est faux, cela ! répliqua Jeanne d’une voix vibrante, sur la tête de mon fils que j’aime plus que tout au monde, je suis innocente, je le jure ! »

Frappé de l’accent de la jeune femme, le curé, sa sœur et Étienne échangèrent un regard.

« Mais si vous êtes innocente, pourquoi fuir ? Pourquoi vous cacher ? reprit le prêtre.

– Je fuis parce que je me sens perdue… et j’avais une preuve de mon innocence, cependant, une preuve indiscutable…

– Qu’est devenue cette preuve ?…

– L’incendie l’a dévorée comme le reste ! Ah ! je vous dirai tout, monsieur le curé, et vous me donnerez de la force pour souffrir… Tout m’écrase… et je suis innocente…

– Comment vous croire ?

– Écoutez-moi pourtant… Écoutez et jugez… »

Puis, fiévreusement, d’une voix haletante, Jeanne raconta la mort de son mari, son entrée dans l’usine, la passion farouche et les obsessions du contremaître Jacques Garaud ; elle parla de la lettre qu’il lui avait écrite pour la décider à le suivre, et dont le sens lui paraissait effroyablement clair ; elle cita des mots, des phrases, gravés dans sa mémoire ; enfin elle dit ses terreurs au commencement de l’incendie, et son entrée dans le pavillon où elle s’était trouvée en présence de Jacques et du cadavre de l’ingénieur. Elle répéta les paroles et les menaces du misérable lorsqu’il voulait la contraindre à fuir avec lui.

« C’est à ce moment, continua Jeanne, que je commençai à comprendre les termes de la lettre. Cette fortune qu’il me promettait de partager avec moi, c’était celle de M. Labroue qu’il se proposait de voler ! Je voulus courir pour reprendre cette lettre précieuse, ma justification, mon salut, il était trop tard ! Le corps de logis que j’habitais s’écroulait dans les flammes, et j’entendais des voix s’élever contre moi, me désignant comme l’incendiaire. Alors je perdis la tête et m’enfuis affolée, emportant mon fils dans mes bras. Voilà la vérité. Je