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nous avait prévenus, on aurait pu du moins lui préparer sa chambre.

– Justement, j’ai voulu vous faire une surprise, chère madame, répondit le peintre en embrassant sur les deux joues la sœur du curé. Me voici chez vous pour huit jours.

– Ce n’est guère, mais enfin tu auras le temps de goûter à mes confitures. »

Et Mme Darier alla s’occuper de corser le menu du déjeuner. L’artiste monta son attirail dans la chambre qu’il avait l’habitude d’occuper chaque année, puis rejoignit au potager l’abbé Laugier.

« Combien de choses tu dois avoir à m’apprendre, mon cher enfant, depuis six mois ! Le travail ?…

– J’ai travaillé beaucoup… avec ardeur et avec joie.

– Et les résultats ?

– Je commence à vendre. Mais l’argent n’est pas tout.

– Tu rêves la gloire ?

– Sinon la gloire, du moins la notoriété.

– Mais tu es connu déjà ?

– Pas assez… Je voudrais me placer hors de pair.

– Que faudrait-il pour cela ?

– Trouver un excellent sujet de tableau et l’exécuter magistralement. Deux choses simples, comme vous voyez.

– Tu trouveras peut-être cela ici, mon cher enfant.

– Je l’espère, votre amitié m’a toujours porté bonheur. »

L’abbé Laugier, compagnon d’études et ami très intime du père d’Étienne Castel, avait vu grandir le fils et reporté sur lui toute l’affection que lui inspirait le père. L’affection d’Étienne pour le prêtre ne le cédait en rien à celle que le prêtre avait pour lui. À onze heures précises, nos trois personnages se trouvèrent réunis dans la salle à manger. Étienne mangea de grand appétit, et comme il ne comptait point se mettre au travail ce jour-là, il sortit après le déjeuner. Le lendemain il se leva de bonne heure, prépara sa palette, descendit s’installer dans le jardin et ébaucha rapidement une étude de la campagne à peine éveillée