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pain et de chocolat et se mit en marche, allant au hasard, tout droit devant elle. Mais elle fit peu de chemin pendant la nuit et fut obligée de s’arrêter plusieurs fois, la fatigue se joignant à la faim pour l’accabler.

La nuit s’écoula. Le jour revint. La jeune veuve avançait toujours, portant Georges endormi. Elle aperçut des maisons. Une paysanne les croisa, Jeanne lui demanda :

« Madame, quel est ce village en face de moi ?

– C’est Chevry, près de Brie-Comte-Robert… »

Mme Fortier n’en pouvait plus. Elle fut obligée de s’asseoir sur le bord de la route. Une petite fille menant paître une vache, fit halte en face d’elle. Jeanne lui adressa ces mots :

« Dites-moi, mon enfant, dans quelle partie du village de Chevry se trouve la maison du curé ?

– La maison de M. le curé est la première que vous voyez là-bas : une tourelle blanche, un toit pointu et des grands arbres.

– Merci, mon enfant. »

Jeanne se leva, prit Georges dans ses bras et, du pas raide d’une somnambule endormie, se remit à marcher. La demeure du curé de Chevry était une maison ancienne et fort simple, devant laquelle se trouvait une pelouse semée de massifs et de corbeilles de fleurs. Derrière le logis s’étendait un potager assez vaste, bien planté d’arbres fruitiers. L’abbé Félix Laugier était un homme de cinquante-huit ans, à la figure ouverte, au regard doux et plein de franchise. Tous ses paroissiens l’aimaient. Il habitait la cure de Chevry avec sa sœur, âgée de soixante ans, et une domestique, depuis plus de vingt ans.

Sa sœur, Mme Clarisse Darier, veuve depuis sept années, était venue vivre auprès de lui après avoir perdu son mari qui la laissait sans enfants à la tête d’une fortune rondelette. Elle employait à faire la charité la plus forte partie de ses revenus.

Nous prions nos lecteurs de nous accompagner à la cure de Chevry, en remontant en arrière de vingt-