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– Huit jours au moins. »

Une demi-heure plus tard, le contremaître avait les cheveux du plus beau noir. Jacques Garaud se dirigea en voiture vers la gare Saint-Lazare où nous l’avons vu déjeuner et expédier au Havre une dépêche signée du nom de « Paul Harmant ». Ce nom n’était point de pure invention. « Paul Harmant » avait vécu. C’était un mécanicien, camarade d’atelier et ami de Jacques à Genève, où il était mort. Le contremaître avait conservé le livret, à lui confié jadis par son ancien ami. Songeant à quitter la France avec Jeanne Fortier, Jacques s’était muni de ce livret. Le signalement de Paul Harmant ressemblait à celui de Jacques Garaud, sauf la couleur des cheveux et la barbe. Le contremaître, en se faisant raser et teindre, avait complété la ressemblance.

    • *

Rejoignons Jeanne Fortier que nous avons laissée dans un bois, endormie à côté de son fils. La pauvre mère dormit près de deux heures. Quand elle se réveilla, Georges sommeillait toujours.

Jeanne le regarda longuement et se pencha sur lui.

« J’ai faim, petite mère… dit l’enfant en ouvrant les yeux.

– Tiens, mon mignon, voici de quoi manger. »

Et la jeune veuve tendit à son fils une partie des aliments achetés par elle. Georges demanda :

« Tu ne manges donc pas, toi, petite mère ? Pourquoi ?

– Je n’ai pas faim. »

Jeanne sentait au contraire les exigences de son estomac vide devenir de moment en moment plus impérieuses. Mais pouvait-elle toucher au peu de nourriture qu’elle gardait pour son fils ? Interminable, lui parut la journée. Elle ne voulait point se montrer en pleine lumière sur la grande route. Enfin, la nuit arriva. Mme Fortier donna de nouveau à l’enfant un peu de