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Le voyageur, ouvrant le livret Chaix, parcourut les pages d’annonces qui s’y trouvaient annexées. Il s’arrêta à la nomenclature des hôtels du Havre.

« N’importe lequel, murmura-t-il ; l’essentiel est de ne point avoir l’air d’un ahuri qui ne sait où il va. Je ne séjournerai pas longtemps au Havre, du reste. Quoique je n’aie rien à craindre, que tout le monde me croie mort dans l’incendie en essayant de sauver la caisse, et que je sois méconnaissable, il est plus sage de ne pas m’attarder en France. »

Ses yeux s’arrêtèrent sur l’indication du premier hôtel placé en tête de la série et il lut :

« Hôtel de l’Amirauté et de Paris réunis, Lemel, propriétaire. Ça fera mon affaire, ajouta-t-il, autant celui-là qu’un autre… et même mieux qu’un autre, car je vois qu’il se trouve placé en face du quai d’embarquement des bateaux de Southampton.

Le voyageur prit une plume et traça ces mots :

« Hôtel de l’Amirauté, Lemel, Havre…

« Arriverai ce soir de Paris par train de onze heures cinq. Prière réserver chambre confortable.

« PAUL HARMANT »

Il appela le garçon.

Voilà ma dépêche, dit-il en lui tendant la feuille de papier. Maintenant servez-moi à déjeuner. »

À six heures trente minutes, il prit le train. À partir de Mantes il se trouva seul et en profita pour ouvrir sa valise, en tirer divers papiers et les examiner avec une extrême attention. Ces papiers étaient les plans d’une machine dont ils indiquaient l’ensemble des détails. Dans ce voyageur nos lecteurs ont reconnu déjà, malgré sa transformation et le changement de couleur de sa chevelure, Jacques Garaud, le contremaître de la fabrique d’Alfortville ; Jacques Garaud, l’incendiaire ; Jacques Garaud, l’assassin de son patron.

Jacques avait crié : « Au secours ! à moi ! je meurs ! » après avoir pénétré dans le pavillon en feu pour accomplir, en apparence, un acte d’admirable dévouement en