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sous de pain. Ces dépenses payées, il ne lui restait plus rien. Elle reprit le chemin déjà suivi, et regagna le bois. Lorsqu’elle y arriva, le petit Georges n’avait point bougé. Il dormait d’un profond sommeil. Jeanne s’assit à côté de lui et s’abandonna sans résistance aux plus sombres réflexions. Peu à peu la fatigue l’emporta sur ses préoccupations douloureuses ; elle sentit le sommeil la gagner et, s’étendant sur la terre molle, elle ferma les yeux à son tour.

    • *

Le procureur, après avoir reçu l’avis envoyé par le commissaire de police, s’était rendu sans retard à Alfortville accompagné d’un juge d’instruction, du chef de la sûreté, d’un médecin et de deux agents. Dès son arrivée, le commissaire l’avait mis au courant des faits principaux révélés. Le caissier Ricoux, le garçon de bureau David, le cocher et un certain nombre d’ouvriers mécaniciens avaient été interrogés. De ce premier interrogatoire résultait la probabilité, presque la preuve, que Jeanne Fortier était seule coupable. Les faits relevés contre elle rendaient à peu près indiscutable sa culpabilité, et à ces charges si graves, sa fuite en ajoutait une plus grave encore.

Après avoir été interrogé par le procureur impérial, le caissier Ricoux avait expédié une dépêche à Mme Bertin, la sœur de M. Labroue. Cette dépêche faisait pressentir toute l’étendue du malheur qui frappait le petit Lucien.

Le caissier était un homme de cinquante ans environ, acariâtre, soupçonneux, difficile à vivre. Il n’aimait généralement personne ; la pauvre Jeanne Fortier avait l’honneur de lui inspirer une antipathie toute particulière. Sa déposition contre elle ne pouvait manquer d’être malveillante. De retour à la fabrique, il alla se mettre aux ordres du juge d’instruction qui lui dit :

« J’aurai tout à l’heure à vous poser une série de questions. »