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poir. J’ai pris la fuite. Pourquoi ? J’ai eu peur. Pourquoi ? Est-ce que sérieusement on pouvait m’accuser ? »

Un frisson courut sa chair. Elle se souvenait des paroles de Jacques :

« J’ai pris mes mesures pour que tout t’accuse ! »

« Oui, murmura-t-elle, il avait raison, on m’accusera, on trouvera les bouteilles vides de pétrole. On se souviendra de mes paroles imprudentes qui semblaient menacer M. Labroue. Je suis perdue ! il faut fuir encore. »

Et elle voulut entraîner Georges.

« Mon dada ! » cria l’enfant qui avait posé à terre son petit cheval.

Jeanne ramassa le jouet et se remit en marche en tenant son fils par la main. Peu à peu le jour venait.

Soudain elle s’arrêta. Deux silhouettes venaient d’apparaître au détour d’un sentier traversant un petit bois.

C’était deux gendarmes à cheval. Devant eux marchait une femme en haillons, les mains liées. Jeanne reconnut l’uniforme et frissonna. Il lui semblait se voir, elle innocente, marcher comme une voleuse, comme une incendiaire, les menottes aux poignets, entre les représentants de la loi. Elle saisit Georges dans ses bras, et gagnant vivement le petit bois, s’y enfonça. Les gendarmes, cheminant toujours, disparurent bientôt en compagnie de leur capture.

Jeanne attendit. Les réflexions les plus douloureuses, les plus effrayantes l’obsédaient.

« Et cependant je ne suis pas coupable ! dit-elle presque à haute voix sans en avoir conscience. Cet homme, ce misérable, a commis tous ces crimes, et c’est moi qui me cache… c’est moi qui suis accusée ! Moi innocente !… Innocente… oui… c’est vrai, mais non de fait. J’étais gardienne de l’usine. Je devais y rester malgré tout, et mourir à mon poste plutôt que de fuir. Comment n’ai-je pas compris cela ! J’assistais, ainsi que ce misérable Jacques, à la reddition des