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si elle s’élevait pour l’accuser, pût être entendue et trouver créance. Mais, comme il s’enfuyait, la réflexion lui était venue, en même temps que le souvenir de la lettre qu’il avait écrite.

« À tout prix, il faut ravoir cette lettre », se dit-il.

Et, au lieu de continuer à fuir il avait rejoint sur la route les gens qui couraient en criant « Au feu ! » Il comptait entrer dans la loge de la gardienne, chercher et reprendre sa lettre, puis se joindre aux sauveteurs. En arrivant dans la cour il aperçut le logis de Jeanne en feu.

« Ma besogne est finie avant d’être commencée, murmura-t-il, le chiffon de papier compromettant n’existe plus. Il ne me reste qu’à me signaler par mon zèle, mon dévouement, mon courage, ce qui serait une triomphante réponse aux accusations de Jeanne, si elle avait l’impudence de m’accuser. »

Une idée diabolique lui traversait l’esprit au moment où nous venons de l’entendre crier :

« Sauvons la caisse !… »

Il bondit dans le couloir où se trouvait le corps de M. Labroue, et poussa une exclamation d’horreur.

« Un cadavre ! » fit-il ensuite.

Puis, soulevant le corps de sa victime, il s’élança hors du pavillon et déposa son fardeau sinistre sur les pavés de la cour. Le caissier recula terrifié, en balbutiant :

« Mais c’est le patron ! Le patron sanglant !… assassiné !… »

Jacques n’écoutait pas. Il avait bondi pour la seconde fois au milieu des flammes. Deux secondes s’écoulèrent ; alors à l’intérieur sa voix s’éleva, faible, méconnaissable.

« Je suis dans le cabinet… près de la caisse ! disait cette voix. J’étouffe !… je meurs !… à moi !… »

Une infranchissable muraille de feu se dressait maintenant entre les sauveteurs et l’entrée du couloir. Tout à coup un craquement effroyable se fit entendre… La toiture s’écroulait sur le premier étage, qui s’effon-