Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

prouve mon innocence et le crime de Jacques Garaud, je vais la chercher. »

Jeanne approchait de la fabrique. Tout à coup, relevant la tête, elle s’arrêta terrifiée. Des flammes nouvelles se tordaient dans l’espace, partant d’un point qui n’était ni le pavillon, ni les ateliers. L’incendie poussé par le vent impétueux qui lui faisait franchir de grands espaces, dévorait la loge. Elle balbutia :

« Le feu ! le feu ! Cette preuve n’existe plus ! je suis perdue ! »

Alors, la tête égarée, aux trois quarts folle, la malheureuse femme tourna sur elle-même et s’enfuit à travers la campagne, emportant son enfant. Georges était presque évanoui, mais ses doigts raidis ne lâchaient pas le cheval de carton qui renfermait la précieuse lettre, preuve de l’innocence de sa mère.

L’usine de M. Labroue était située assez loin de toute habitation. Par un temps d’orage effroyable et à l’heure où l’incendie s’était déclaré, les secours devaient se faire attendre. Quand une compagnie arriva du fort de Charenton, avec quelques ouvriers de la fabrique, il était déjà trop tard pour combattre les progrès du feu. Toutes les portes étant fermées, on escalada les murailles d’enceinte avec des échelles. L’absence de la gardienne fut à l’instant remarquée. Une voix cria :

« Le feu est à la loge ! »

C’était la voix de Jacques Garaud. Le contremaître poursuivit :

« La malheureuse a brûlé l’usine et nous met tous sur le pavé, sans travail, pour se venger de M. Labroue. Allons, mes amis, au pavillon ! Sauvons la caisse.

– Oui !… oui ! sauvons la caisse, appuya Ricoux, qui venait d’arriver. Elle contient une somme énorme. »

Et tous se précipitèrent vers le pavillon en flammes. Comment Jacques se trouvait-il au nombre des gens qui venaient porter secours à l’usine incendiée par lui ? Le misérable ne voulait pas que la voix de Jeanne,