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cour d’abord, puis dans la campagne, en passant par la petite porte voisine du pavillon. La jeune femme voulait crier.

« Mais tais-toi donc, insensée ! lui dit Jacques d’un ton impérieux. Tu appelles ceux qui t’accuseront bientôt !

– Moi ! moi ! M’accuser ! balbutia Jeanne.

– Oui… et les preuves ne manqueront pas ! Le pétrole que tu avais acheté a servi à mettre le feu. On retrouvera les bouteilles vides dans la cour. On t’accusera d’avoir tué M. Labroue, car toi seule pouvais savoir qu’il était rentré cette nuit, et d’ailleurs on se souviendra des menaces proférées par toi contre lui devant témoins. Combien de fois n’as-tu pas dit que cela ne lui porterait pas bonheur de t’avoir chassée ! Allons. »

Mme Fortier se sentait devenir folle. Le contremaître l’entraînait toujours. Jeanne répéta deux fois :

« Au secours ! »

Jacques la secoua si brutalement qu’il la fit tomber à genoux.

« Un mot de plus, dit-il, et ton fils est mort !

– Pitié !…

– Tais-toi !… et viens, nous serons riches.

– Non… non !… j’aime mieux mourir…

– Alors ! va-t-en, et tâche de disparaître, car je me suis arrangé pour que tout t’accable et tu te défendrais en vain contre l’évidence. Advienne que pourra. »

Et Jacques prit sa course à travers la plaine. Jacques Garaud, que nous avons quitté au moment où il venait de jeter une allumette enflammée sur les copeaux imbibés de pétrole de l’atelier de menuiserie s’était dirigé de nouveau vers le pavillon. Il avait ouvert le coffret déposé par lui dans le couloir, et glissé sur sa poitrine, entre sa chemise et sa chair, les liasses de billets de banque et les plans que contenait le coffret. C’était à ce moment que M. Labroue entrait dans la cour et que Jeanne entendait la porte se refermer derrière lui. L’ingénieur aperçut les premières lueurs jaillissant des ateliers. Il courut dans cette direction. Jacques mettait le feu au cabinet de son patron et jetait au milieu des