Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/478

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour vous une liqueur diabolique, c’est lui qui vient de la boire. »

Ovide n’écoutait pas. Il poursuivit :

« La liqueur canadienne va te faire avouer tout haut, devant tout le monde, que tu es Jeanne Fortier.

– Taisez-vous ! cria la porteuse de pain avec épouvante.

– Jeanne Fortier, continua Soliveau ; Jeanne Fortier, dont j’ai voulu tuer la fille… Jeanne Fortier que j’ai tenté vainement d’écraser sous l’échafaudage de la rue Gît-le-Cœur, Jeanne Fortier, condamnée à la réclusion perpétuelle et évadée de la maison centrale de Clermont ! »

Un cri d’effroi s’échappa de toutes les poitrines. Déjà la porteuse de pain avait envisagé la question sous son vrai jour.

« Ah ! misérable ! dit-elle en relevant la tête. Tu crois me perdre et tu me sauves !… Oui, mes amis, je suis Jeanne Fortier, Jeanne la condamnée, Jeanne l’évadée… Mais j’avais été condamnée pour les crimes commis par Jacques Garaud, vous en avez entendu l’aveu de la bouche de cet homme ! Mais si je me suis évadée, c’est pour retrouver mes enfants, ma fille, qu’il a voulu assassiner comme moi ! Vous savez maintenant qui je suis, mes amis… Vous connaissez ma vie, mes malheurs… Me condamnez-vous ? »

Tout le monde courut à Jeanne, toutes les mains se tendirent pour serrer la sienne. Ovide, lui, venait de tomber sur une chaise et se débattait dans une violente crise nerveuse. À cette minute précise, les agents de la sûreté écartèrent la foule, et l’un deux dit, en mettant la main sur l’épaule de Jeanne :

« Jeanne Fortier, je vous arrête au nom de la loi !

– Vous m’arrêtez ! » balbutia la malheureuse femme, anéantie.

Un murmure de colère gronda autour des agents. Le Lyonnais s’avança.

« Arrêter maman Lison, s’écria-t-il, jamais !

– Obéissez à la loi ! reprit l’agent.

– Allons, filez, maman Lison, filez vite ! glissa le