Page:Montépin - La Porteuse de pain, 1973.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Personne ne peut entrer ou sortir sans être vu par moi, se dit-il. Je n’aurai qu’à avoir l’œil au guet. »

Il rejoignit sa voiture qui l’attendait à quelques pas.

« J’attends quelqu’un, dit-il au cocher, je vous garde. »

Le cocher était un vieux roublard.

« Est-ce que nous aurions à filer quelqu’un, mon bourgeois ? demanda-t-il en clignant de l’œil.

– Eh bien, oui.

– Alors je vas au mastroquet à côté de l’usine ; et j’entrerai casser le cou à une andouillette. C’est là que vous me trouverez. »

Raoul Duchemin rentra rue des Dames le soir, sans avoir aperçu Ovide. C’était le lendemain de ce jour que Soliveau devait tenter d’écraser Jeanne Fortier.

Le soir de ce même jour, Paul Harmant n’était point sorti de l’usine à son heure accoutumée. Duchemin continuait à monter sa faction quotidienne avec une patience diabolique. Tout à coup une voiture vint s’arrêter en face de la porte de l’usine. Un homme en descendit, Raoul étouffa un cri de surprise. C’était Ovide Soliveau, baron de Reiss, venant de rendre compte à Paul Harmant de ce que nos lecteurs connaissent. Dans la journée, il lui avait envoyé une dépêche le priant de l’attendre à sept heures et demie du soir. Paul Harmant frissonna d’épouvante en écoutant le récit du crime commis par son complice. L’écrasement du jeune garçon qui avait été victime en même temps que Jeanne lui semblait surtout horrible, et il ne le cacha point.

« C’est fâcheux, je le sais bien, répliqua Soliveau. Mais il fallait aller jusqu’au bout…

– Es-tu sûr au moins que Jeanne est vraiment morte ?

– Comment ne serait-elle pas morte après avoir reçu sur la tête un échafaudage pesant cinq ou six cents kilos ? Je l’ai vue comme je te vois, étendue morte sur le sol, le front entrouvert. N’y pensons plus et parlons affaires…

– De quelles affaires ?

– Mais, parbleu ! des nôtres, des miennes, puisque c’est tout un. Je me suis conduit avec toi en ami, en ami