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– Dans ce cas, je rentre. J’ai besoin de combiner un plan. »

Ainsi qu’on vient de le voir, Ovide Soliveau se décidait à donner à plein collier dans les idées de Jacques Garaud. Il se disait que plus serait lourde la chaîne du crime qui les unissait, plus il serait facile de se faire payer à leur juste valeur les services rendus.

À trois heures du matin, Ovide sauta en bas du lit, alluma une bougie, endossa un vêtement usé, fané, panné, se mit du rouge brique sur les joues et du bistre autour des paupières, avachit d’un coup de crayon gras les coins de sa bouche, se coiffa d’une casquette plate, mit sous son bras un sac de toile d’assez grande dimension et prit un crochet de chiffonnier ; puis, ainsi déguisé, gagna l’île Saint-Louis où, faisant mine de fouiller le tas d’ordure avec la pointe de son crochet improvisé, il surveilla la maison du quai Bourbon portant le numéro 9.

Cinq heures sonnaient. La porte du numéro 9 s’ouvrit et la veuve de Pierre Fortier sortit de la maison. Ovide reconnut du premier coup d’œil le tablier traditionnel des porteuses de pain de Paris.

« Ce doit être elle », se dit-il.

Il la suivit, tout en inspectant les tas d’ordures placés sur son chemin. Jeanne arriva à la maison des Lebret juste au moment où Ovide tournait le coin de la rue Dauphine et du quai des Augustins. La boutique n’étant point encore ouverte, Jeanne entra dans une allée sombre et disparut.

« Voilà, se dit Soliveau, la boulangerie pour laquelle elle porte le pain. Mais est-elle bien la femme qui me préoccupe ? »

En ce moment la porte de la boutique s’ouvrait, et Jeanne venait aider la servante à enlever les volets. Deux porteuses de pain parurent en même temps.

« M’ame Perrin, dit l’une d’elles à Jeanne, nous allons au Rendez-vous des boulangers. C’est notre tournée ce matin.

– Allez, mes enfants, répondit Jeanne. Je vous suis. »

Ovide, qui s’était approché, avait entendu.