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« Y a-t-il longtemps que vous connaissez Melle Lucie ?

– Non, monsieur.

– Vous vous nommez Lise Perrin, n’est-ce pas ?

– Oui, monsieur, et j’aime Lucie comme si c’était ma fille. »

En ce moment, Madeleine parut.

« Monsieur, fit-elle, c’est M. Paul Harmant.

– Lui ! s’écria la porteuse de pain éperdue.

– C’est lui qu’il faut prier », répliqua Georges. Et il entraîna l’évadée de Clermont dans le salon où se trouvait le faux Paul Harmant. Celui-ci, voyant paraître Georges accompagné d’une femme du peuple, fut un peu surpris, mais sa surprise prit des proportions faciles à comprendre lorsque cette femme, qui semblait affolée, se laissa tomber à deux genoux devant lui, la tête basse, les mains étendues et suppliantes.

« Qui êtes-vous ? que me voulez-vous ? » demanda-t-il.

Ce fut le jeune avocat qui répondit :

« Cette pauvre créature se nomme Lise Perrin, monsieur. Elle a voué une affection profonde, presque maternelle, à une jeune fille qui se meurt de désespoir, et elle est venue me prier d’intercéder auprès de vous pour sauver cette jeune fille.

– Oui… oui… balbutia Jeanne. Sauvez-la ! »

En entendant prononcer le nom de Lise Perrin, en écoutant la voix qui venait de parler, le millionnaire sentit une sueur froide perler sur ses tempes. Après vingt et un ans, Jacques Garaud et la veuve de Pierre Fortier se retrouvaient en présence, mais tous les deux si changés, qu’ils étaient devenus méconnaissables. En outre l’accent américain, contracté pendant un long séjour à New York, modifiait singulièrement la voix de l’ex-contremaître.

Jeanne vit à travers un nuage de larmes celui à qui elle demandait le salut de Lucie. La figure pâle de l’industriel, qu’encadraient des cheveux et des favoris presque blancs, n’éveilla dans sa mémoire aucun souvenir. Jacques, lui, du premier coup d’œil, retourna sous les traits flétris de la porteuse de pain le visage de la