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Jeanne se recueillit pendant quelques secondes, puis brusquement elle demanda :

« Peut-on, monsieur, sans violer la loi, reprocher à un enfant le crime de sa mère ? A-t-on le droit d’empoisonner sa vie, de lui faire perdre son unique moyen d’existence, en révélant à tous le passé de sa mère sans mériter un châtiment ?

– C’est à coup sûr un crime odieux que de tuer moralement une personne innocente en dévoilant ses secrets de famille, mais ceux qui commettent ce crime, lâche entre tous, ne tombent point sous le coup de la loi. On ne peut même, s’ils ne nient point, leur reprocher une diffamation.

– Ainsi, reprit Jeanne avec fièvre, une enfant vint au monde. Elle a quelques mois quand on lui enlève sa mère condamnée pour un crime épouvantable. La petite fille est mise aux Enfants-Trouvés. Elle grandit sans qu’on lui révèle le terrible secret. Une fois élevée, on la jette dans le monde où elle travaille honnêtement pour vivre. Sur sa route, elle rencontre un honnête garçon, pauvre comme elle. Ils s’aiment ; ils se le disent. Le bonheur leur sourit. Ils vont s’unir. Hélas ! ils avaient compté sans les méchants !

« Écoutez un peu, monsieur ; et jugez ! Un industriel, un millionnaire est père d’une fille unique. Cette fille s’éprend du fiancé de la pauvre enfant ; le millionnaire dit au jeune homme : « Je vous offre la fortune. Épousez ma fille. » Il refuse. La fille du millionnaire va trouver son humble rivale et lui propose beaucoup d’argent si elle consent à lui céder son fiancé, et s’en aller loin de France. Naturellement, l’offre est repoussée.

« Alors, le père et la fille fouillent le passé, non de l’orpheline, mais de sa mère, ils découvrent la flétrissure, ils vont trouver le jeune homme et lui crient : « Pauvre fou, celle que tu aimes et que tu veux épouser est fille de l’infâme créature qui a commis le crime d’assassinat, et celui qu’elle a tué c’est ton père ! »

« Vous comprenez, n’est-ce pas, monsieur ? Le mariage est impossible, et des deux jeunes gens qui s’aimaient,