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Enfin elle entra dans le cabinet et se trouva en face de Georges Darier : son fils !…

Celui-ci s’était levé. Il jeta un regard sur la visiteuse. En recevant ce regard, en voyant le visage du jeune avocat, Jeanne Fortier sentit comme un étrange frisson effleurer sa chair.

« Vous désirez me parler, madame ! » lui dit-il du ton le plus bienveillant et de la voix la plus douce.

La porteuse de pain éprouva comme une défaillance en entendant cette voix. Il lui fallut s’appuyer sur une chaise.

« Veuillez vous asseoir, reprit Georges.

– Il y a quelques jours, vous avez perdu… des papiers…

– En effet, madame. Des papiers d’une très haute importance. Les auriez-vous trouvés, par hasard ? »

Jeanne tira de la poche de son tablier l’enveloppe renfermant les papiers en question, et la tendit à Georges.

« Madame, vous me rendez un service immense. Vous me permettez de vous remettre une récompense…

– Non… non… monsieur, s’empressa de répondre Jeanne. Je n’accepterai rien. Ces papiers sont à vous ; je vous les rends ; il n’y a pas lieu de me donner pour cela une récompense… »

Georges écoutait parler la porteuse de pain, et la voix de cette femme produisait sur lui un effet singulier ; il lui semblait l’avoir entendue déjà, à une époque très reculée.

« Je n’ose insister, madame, dit-il, je craindrais de blesser une délicatesse devant laquelle je m’incline avec respect. Si jamais je puis vous être utile, je serai très heureux de vous payer ma dette…

– Ces bonnes paroles m’enhardissent, répliqua Jeanne. Je vais prendre la liberté de vous demander un conseil.

– De quel conseil avez-vous besoin ?

– Il ne s’agit point de moi, monsieur, mais d’une pauvre enfant orpheline et bien malheureuse.

– Je suis prêt à l’aider de toutes mes forces », répondit Georges, remué de plus en plus par la voix de sa visiteuse.