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– En vérité, monsieur, vous faites royalement les choses ! dit Étienne Castel ; vous rendez généreusement à Lucien Labroue ce qu’un misérable lui avait arraché en tuant son père ! »

Le ci-devant Jacques Garaud devint très pâle, mais il se pencha vers Georges, et l’artiste ne put constater cette pâleur.

« Maintenant, fit le jeune avocat, il serait bon, je crois, d’évaluer les terrains d’Alfortville.

– Mettez deux cent mille francs.

– Mais, monsieur, commença Lucien, ils ne valent pas…

– C’est écrit ! j’estime ces terrains deux cent mille francs au moins et je suis sûr de ne pas me tromper. »

Étienne Castel écoutait, tout en examinant à la dérobée la physionomie du millionnaire, et cette physionomie lui parut si calme qu’un revirement se produisait dans ses idées.

« Si cet homme n’était pas le vrai Paul Harmant, pensait-il, il n’oserait agir avec une telle audace. »

Vers onze heures et demie, l’artiste donna le signal du départ. Mary tendit la main à Lucien en prononçant tout bas :

« À demain, n’est-ce pas ? à déjeuner…

– Oui, mademoiselle », répondit le jeune homme en prenant la main de Mary et en la portant à ses lèvres.

Sous ce baiser, Melle Harmant sentit son cœur bondir. Le sang afflua à ses joues. Mais une toux sèche arracha de ses lèvres un gémissement.

Étienne, Georges et Lucien la regardèrent avec une compassion profonde. Paul Harmant, resté seul avec Mary, lui tendit les bras.

« Enfin, tu es heureuse, n’est-ce pas, chère mignonne ?

– Oh ! oui, père, bien heureuse… répondit l’enfant dont la toux faisait trêve. Ma joie est trop grande, elle me fait mal. J’ai besoin de repos.

– Va te reposer, ma chérie. Le sommeil te calmera. »

Aussitôt la porte refermée derrière lui, l’expression de son visage changea. Il se laissa tomber sur un siège.

« Pourquoi ce fantôme du passé qui se nomme Jeanne