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donna l’ordre de l’amener à l’atelier et glissa ces quelques mots dans l’oreille de Lucien :

« Jouez donc un peu votre rôle vous-même, mon cher ami ! Je ne peux pas donner toujours la réplique pour vous ! »

Le grand industriel entra.

Après avoir salué le maître du logis et ses hôtes, il s’avança vers Georges et lui dit :

« Je suis heureux de cette rencontre, mon cher avocat, j’ai à m’entretenir avec vous. Irez-vous au Palais demain ?

– Non, je ne plaide aucune affaire, et ne sortirai point.

– Je me présenterai donc rue Bonaparte dans la matinée. Maintenant, mon cher artiste, ajouta Paul Harmant en s’adressant au maître du logis, permettez-moi de vous expliquer le but de ma visite. Je vous ai avoué que je ne me connaissais pas en peinture… Cependant, l’ensemble d’un tableau m’enchante ou me déplaît, et je puis être séduit par des choses détestables. On est venu me proposer un Rubens dont on garantit l’authenticité, mais cette authenticité est-elle indiscutable ? Il me déplairait d’être dupe. En conséquence, je vous demande de trancher la question en donnant votre avis de visu.

– Je suis à votre disposition ; j’irai avec vous. À mon tour, maintenant, cher monsieur, de solliciter de vous quelque chose.

– C’est accordé d’avance. De quoi s’agit-il ?

– De me dire quel jour et quelle heure vous pourrez me faire l’honneur de me recevoir chez vous comme interprète de mon ami Lucien Labroue. »

Étienne jeta au jeune homme un coup d’œil impératif. Lucien comprit, et un frisson effleura son épiderme.

« Vous savez que Lucien Labroue est orphelin ?

– Oui, oui… balbutia le ci-devant Jacques Garaud, dont le front se plissa brusquement.

– M. Labroue m’a prié de lui servir de père. »

Le grand industriel se leva, comme transfiguré. Les rides de son front avaient disparu comme par enchantement.