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Au moment où sonnèrent neuf heures, Jacques se rendit au cabinet de M. Labroue et il commença à étudier sérieusement avec lui le projet de la machine à guillocher. La journée s’écoula.

Jeanne avait fait son travail quotidien sans adresser la parole à qui que ce fût. Le soir, quelques ouvriers, sachant ce qui s’était passé la veille, voulurent adresser des consolations à la veuve de leur camarade. Mme Fortier les arrêta dès les premiers mots.

« Inutile de parler de cela ! leur dit-elle en jouant l’indifférence. Ce qui est fait est fait, et je n’en mourrai pas, allez !… »

Jacques, en partant, lui serra la main silencieusement. Sa préoccupation semblait avoir encore augmenté depuis le matin.

Le contremaître avait son domicile assez loin de l’usine. Il habitait une petite chambre dans une maison d’Alfortville. Il lui fallait vingt-cinq minutes pour s’y rendre ; il prenait ses repas chez un marchand de vin où se réunissaient le soir un grand nombre des ouvriers de la fabrique. Ce soir-là, Jacques ne parut pas à son restaurant.

Quand Jacques rentra chez lui, minuit sonnait. Il se coucha, mais ne put fermer l’œil. Le lendemain, lorsqu’il arriva à l’usine ; ses regards brillaient d’un feu sombre. Il fit halte à la porte de la loge. Jeanne s’avança vers lui.

« Qu’avez-vous donc, monsieur Garaud ? lui demanda-t-elle, frappée du grand changement qui s’était fait en lui depuis le jour précédent.

– Rien… rien… m’ame Fortier, balbutia-t-il d’un ton singulier. J’aurais voulu vous dire… Mais non… Je vais à l’atelier.

– Quel air étrange ! » pensa la jeune veuve.

Jacques Garaud fit son service habituel. Comme la veille il se rendit à neuf heures précises au bureau de M. Labroue, et poursuivit avec lui des études relatives à l’invention nouvelle. À onze heures, le contremaître sortit pour aller déjeuner, mais pas plus à l’aller qu’au retour il n’adressa la parole à Jeanne en passant devant