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« Parlez ! Est-ce ma mère qui a commis un crime ? Pourquoi Lucien a-t-il déclaré que notre mariage était impossible ?

– Parce qu’on l’y force.

– Qui donc en a le droit et le pouvoir ?

– Un homme a fouillé dans le passé… Un homme a dit à Lucien : « Si vous n’épousiez point ma fille, je vous empêcherai d’épouser Lucie. Je vous défends ce mariage ! Si vous osiez passer outre, on saurait… »

Jeanne s’interrompit. La force lui manquait pour continuer.

« On saurait quoi ? demanda Lucie impétueusement. Si vous ne parlez pas, Lucien parlera, je l’y forcerai bien ! Si ce n’est lui, ce sera Melle Harmant. Si elle refuse de parler, j’irai trouver son père et je l’interrogerai…

– Non, Lucie, vous n’irez point… je vous dirai tout… Lucien ne peut vous épouser… Vous refuseriez vous-même de devenir sa femme avant d’avoir prouvé l’innocence de votre mère. »

Lucie la dévisagea :

« Ma mère a été accusée ? »

Jeanne n’osait continuer.

« Répondez…

– Votre mère…

– Je vous en conjure !

– Votre mère a été condamnée pour avoir assassiné le père de Lucien Labroue… »

Lucie poussa un cri. Pendant quelques secondes, un silence effrayant régna. La jeune fille balbutia enfin :

« Ainsi, ma mère est cette femme qui a tué le père de Lucien, qui a incendié son usine… Ah ! c’est horrible !…

– Elle était innocente, Lucie ! s’écria Jeanne.

– On l’a condamnée…

– Condamnation odieuse ! condamnation injuste ! N’avez-vous pas entendu Lucien Labroue lui-même affirmer qu’il croyait à l’innocence de la malheureuse femme ?

– S’il y croyait vraiment, s’éloignerait-il de moi ?

– Mon Dieu ! bégaya Lucie en se tordant les mains avec désespoir. Pourquoi donc ma mère m’a-t-elle mis au monde ? »

Un flot de larmes inonda le visage de Jeanne Fortier.

« Vous auriez pitié si vous l’aviez connue