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– Et moi je veux parler ! répondit violemment Amanda. Ah ! tu me croyais assez sotte pour ne rien comprendre ! Maintenant je te suivrai pas à pas. Je deviendrai ton ombre. Je veux être riche, tu m’entends, sinon, je t’enverrai au bagne. Entends-tu ? au bagne ! Ah ! ah ! ah ! au bagne ! »

Et la jeune fille eut un long éclat de rire strident. Soliveau craignait que le bruit de ce rire n’arrivât au dehors.

« Te tairas-tu ? » répéta-t-il d’une voix menaçante.

Amanda, dont le délire grandissait toujours, répliqua :

Me taire ? pourquoi me taire ? Je dis la vérité. Tu n’es pas le baron de Reiss ! Je t’arracherai ton masque. »

Amanda se tut enfin. Maintenant des sons inarticulés remplaçaient la parole. Quelques minutes s’écoulèrent encore, puis la jeune fille s’abattit sur le parquet, en proie à des convulsions violentes.

Ovide se sentit frissonner de la tête aux pieds. Jamais la liqueur canadienne n’avait produit sur Jacques Garaud aucun effet de ce genre. La dose était-elle trop forte ?

« Il faut tout prévoir », pensa Soliveau.

Et, après avoir vidé dans les cendres du foyer le reste de la bouteille de chartreuse, il se hâta de quitter le pavillon. Comme il sortait du jardin, il se trouva en face d’une femme et d’un homme, immobiles et semblant écouter. La femme, qui n’était autre que l’hôtesse du Rendez-vous des Chasseurs, s’écria :

« Mais, c’est M. le baron de Reiss !…

– Oui, madame. Je suis en quête d’un médecin. La personne qui habite le pavillon avec moi est malade…

– Ainsi, ces clameurs lamentables que nous entendions ?

– Étaient poussées par elle, oui, madame.

– Je suis médecin, monsieur, dit alors le docteur Richard qui venait de panser les blessés à l’hôtel ; disposez de moi. »

Lorsque les trois personnes entrèrent dans la salle à manger, le corps de la jeune femme se tordait sur le plancher. Le docteur Richard prit un des poignets