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– Je vous dis la vérité telle qu’elle est. Mais je vous sauverai malgré vous ! Vous serez ma femme…

– Mon Dieu… mon Dieu… fit Jeanne avec une sorte d’affolement. Il ne se taira pas, et il ne partira pas !

– Je veux vous prouver ma tendresse par mon obéissance. Je pars. Mais pour m’occuper de vous… »

Et Jacques Garaud quitta la jeune femme qu’il laissait en proie à une agitation terrible. Ces paroles confuses s’échappaient de ses lèvres :

« Il a raison… il n’a que trop raison. Pour ces pauvres petits, pour moi, c’est la misère. Comment pourrais-je, avec le travail de mes mains, payer les mois de nourrice de Lucie ? Comment élèverais-je Georges ? Ah ! la situation est effroyable. Jacques m’offre la paix… la tranquillité… l’aisance… Mais pour cela il faudrait trahir le serment que j’ai fait à Pierre à son lit de mort. Ce serait odieux… ce serait lâche !… Non… Non… »

Jeanne, puisant dans sa volonté une force surhumaine, se leva, essuya ses larmes et sortit de la loge. Elle ferma la porte de la cour comme cela lui était recommandé, puis elle alla faire une ronde dans les ateliers déserts, visita les écuries, où le cocher donnait à ses chevaux le repas du soir, et revint chez elle.

M. Labroue se présentait pour sortir. Elle lui ouvrit la porte sans prononcer une parole et rentra. Georges jouait dans un coin de la chambre avec son éternel cheval de carton et avec une boîte de soldats de plomb. Le cocher sortit à son tour. Jeanne resta seule dans la fabrique.